samedi 19 janvier 2008

Maintes fois, nouvelle lesbienne

Par Julie C
Maintes fois, vous avez voulu rompre l’attraction de ce corps sur vous exercée. Là, il repose pourtant.

À la faveur d’une lampe sourde, vous contemplez la splendeur vulnérable et endormie, la régularité et le calme du souffle qui alternativement, vide et enfle les flancs. Le corps gît au creux de l’étoffe usée de vos draps, vous épiez sa vie souterraine, en palpez la chaleur, d’une paume tranquille.

Maintes fois vous vous êtes crue guérie, à jamais déliée.

Maintes nuits, en dépit de cette croyance vous avez recherché ce corps-là, l’avez ramené ici, dans le sanctuaire de votre alcôve, simplement pour dormir. Croyiez-vous.
Plutôt pour vérifier que vous possédiez toujours le pouvoir qui vous avait, un jour, été alloué :
L’attraction par vous exercée sur ce corps.

La connaissance que vous en avez, yeux éteints pour que vos mains voient, ne cesse de susciter en vous l’étonnement. Une fascination toujours recommencée dont le règne nocturne abolit la lumière. Abandonné aux rêves sirupeux d’après l’amour, le corps se donne à voir, paresseusement, votre œil se noie dans l’ombre de sa chair et la fuite de ses courbes. Il en devient étranger à force de vous être familier.

Vous remarquez qu’il frissonne alors vous remontez le drap. Vous le bordez, en somme.
Vous voyez sur les lèvres comme la trace d’un sourire et les cernes bleutées qui soulignent les paupières closes. Vous goûtez pleinement l’accalmie du désir. Voir avec les yeux, dans la délivrance accordée par l’oubli du désir.

Du plus près cependant, ce corps demeure pour vous un mystère, qui incessamment se dérobe à la possibilité de votre compréhension. C’est peut-être dans l’aveuglement du désir que vous approchez le mieux de son centre éblouissant.

Maintes fois vous avez joué à le perdre, et ignorez encore à présent ce qui vous a reconduit jusqu’à lui.

Vous ne savez plus rien que sa présence qui habite l’espace entre vous et le mur. Que cette proximité qui malgré vous, vous rassure.

Vous songez que la nuit ne tardera plus à se dissiper. Employer les minutes qui vous restent…
Vous disposez votre corps contre l’autre endormi, une berceuse filtre de votre bouche close, vous caressez le front moite et les cheveux. Vous enfouissez votre visage dans la chevelure étale, il en émane une odeur sucrée de feuilles résineuses mêlée à celle du tabac froid.

Dans la crainte de briser son sommeil, vous n’osez pas refermer vos bras sur ce corps aussi fort que vous aimeriez le faire. Vous vous contentez d’être au plus près, de lui prendre un peu de sa chaleur comme en vous excusant d’être là, encore, d’avoir cédé à cette tentation-là. De ne plus rien savoir du monde que la tiédeur de ce corps passagèrement inanimé contre le vôtre.

Qui d’autre que vous saurait mieux se remémorer le poids de ce corps effondré sur le sien dans la nuit revenue, passée la fulgurance du plaisir ? Qui d’autre distinguerait la beauté illusoire de cette fusion passagère et inachevée ? Si belle justement parce qu’éphémère.

Vous mesurez ce que ces instants ont de précieux, avant de tout de même resserrer votre étreinte comme si elle devait être l’ultime. Cette disposition d’esprit-là vous permettra peut-être de couler à pic dans l’abîme du sommeil, avant que ne meure tout à fait la nuit.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Je viens de tomber sur votre nouvelle, j'aime votre écriture, une sensibilité s'en dégage.
Bonne continuation
Marilou

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